2023-02-14 | |
Je ne suis pas doué pour ça, d’autant que c’est l’adaptation du livre que j’ai vainement tenté d’écrire pendant 1 an et qui relatait de façon très romancée une période assez navrante de ma vie, vers l’âge de 23 ans, quand je me noyais dans l’oisiveté et l’argent des autres. Disons que c’est l’histoire d’un paumé entretenu par des femmes plus âgées et qui va tomber raide dingue d’une paumée entretenue par des types plus âgés, leur aventure débouchant sur une vaste manipulation amoureuse.
C’est aussi l’histoire d’une guerre sourde entre les sexes et les générations. Et puis c’est le portrait très subjectif que je voulais faire de la Côte d’Azur, dont le nom s’associe dans mon esprit aussi bien à Francis Scott Fitzgerald et l’excentricité d’une élite décadente qu’à l’omniprésence, il y a peu, des oligarques russes, leur magnum de champagne au soleil et leur compétition de vulgarités immobilières.
Un des trois qui ne sont jamais sortis ! Je le dis sans coquetterie : je suis un romancier raté. Parce que je me perds dans des digressions, je coince pendant des semaines sur les retouches stylistiques et je perds la trame principale. C’est Doria [Tillier], ma compagne à l’époque, qui un soir m’a dit : « arrête, fais-en un film ». J’ai une relative assurance dans l’écriture scénaristique. J’écris vite et je pense maîtriser plus ou moins les différentes trames narratives. Ce qui n’est plus le cas quand je m’attaque à la prose.
Je n’entends pas par « personnel » uniquement des choses que j’ai vécues, mais des choses que j’ai observées ou qui m’ont été racontées par quelqu’un les ayant vécues de l’intérieur. J’ai besoin de me sentir concerné personnellement par ce que je raconte, j’aime entretenir une connivence, fut-elle douloureuse, avec mes personnages. Martha, par exemple, est la combinaison de deux femmes que j’ai connues. L’une était proche de mes parents, c’était la « muse » d’un grand metteur en scène dont elle a découvert l’homosexualité après 30 ans d’amour et de collaboration. Son monde s’est écroulé devant nous. L’autre est une amie dont j’ai accompagné le chemin intérieur vers la rencontre avec sa mère biologique. Margot m’a été inspirée par une fascinante escort tchèque qui évoluait dans un grand hôtel où j’étais pianiste.
Un soir, alors que le bar fermait et qu’elle n’avait pas trouvé de client, je lui avais fait la cour. Elle était drôle, très brillante, on enchaînait les verres et je sentais qu’on se plaisait lorsqu’elle s’était soudain ressaisie en me disant qu’en gros, tout ça ne servait rien, l’amour ne servait à rien, il était hors de question qu’elle soit venue jusqu’à Paris pour s’amouracher d’un petit mec dans mon genre, il lui restait quelques années pour épouser un riche qui lui permettrait de posséder un appartement et de faire venir sa mère de Tchécoslovaquie. Son raisonnement, aussi terrifiant qu’imparable, sa détermination, quasi exempte de cynisme et nourrie par un passé de privations et de violences masculines, tout ça m’avait beaucoup marqué. Sa beauté inquiétante également. Je ne juge jamais Margot dans le film. Elle a ses raisons. J’aimerais juste ne jamais la rencontrer et tomber amoureux d’elle.