2021-04-25 | |
Double championne de France de full-contact au début des années 2000, Olivia Boa-Belkacem a fait du sport le moteur de sa vie. Artiste peintre, businesswoman, créatrice de mode et ancien mannequin, la fribourgeoise d’adoption va se battre cette année pour le titre européen! Un aboutissement avant de reposer ses gants.
«J'avais 9 ans lorsque j’ai découvert l’envie de faire de la boxe mais ma maman s’y est fortement opposée arguant que ce n’était pas un sport pour les filles!» Le premier trait du tableau de sa vie est posé! Il a pour nom la détermination! Car cette idée ne quittera jamais la jeune Olivia. Qui se plait d’ailleurs à rappeler une autre anecdote liée à la boxe: «A 18 ans je n’avais plus besoin de l’accord parental. Après 2 ans dans le mannequinat et de longs séjours à Paris et Milan, je me suis présentée dans une salle de boxe de ma ville. A peine la porte d’entrée poussée l’entraîneur m’a dit que la salle de fitness était à l’étage! Ce qui prouve bien que rien n’était gagné d’avance!»
Belle, charmeuse, solaire, Olivia devra pourtant rapidement abandonner sa présence dans le monde de la mode: «Je me suis présentée une fois à la phase finale d’un casting pour une grande marque avec un coquard sur la pommette… Mon manager, furax, m’a demandé de choisir. J’ai opté pour la boxe!» Un choix qu’elle ne regrettera jamais et qui va la conduire à deux titres de championne de France de full-contact: «Ma vie s’est alors emballée. J’ai quitté la France pour la Suisse où, par la suite, j’ai rencontré mon futur mari, Mohamed Belkacem, lui aussi boxeur professionnel!»
A ses côtés, elle enchaîne 10 combats avec à la clef 9 victoires et une défaite en 2011. Un combat pour le titre mondial, duquel elle ressortira avec une double fracture de la mâchoire: «Ce n’est pas tant la défaite qui me reste en travers de la gorge mais l’incompétence du chirurgien qui m’a opéré à l’hôpital de Marseille! En cassant la mèche de la perceuse dans ma mâchoire et refermant comme si de rien n’était…» Une intervention qui ne fut pas sans conséquence. Une infection et plusieurs nouvelles opérations qui ont mis la carrière de la boxeuse entre parenthèse.
Pour donner suite à cet arrêt brut de la compétition, elle a repris les pinceaux afin de dessiner sa deuxième carrière. Peindre d’autres toiles de sa vie. Et surtout mettre au monde en 2012, son troisième enfant, Soltan qui va naître avec un déficit neurologique, de graves lésions au cerveau ainsi qu’une pathologie génétique. Atteint notamment au niveau de la vue, il va enchaîner les crises d’épilepsie et les séjours en soins médicaux: «Soltan est un garçon formidable qui m’a poussé à me surpasser» clame cette mère de famille de 4 enfants, avant de préciser : «Avec Mohamed, on a décidé de faire front! Il a stoppé sa carrière de boxeur pro pour se consacrer à ce deuxième combat. Être présent auprès de ses enfants et de Soltan qui avait besoin de nous quotidiennement. Rapidement, j’ai eu l’idée de trouver des solutions pour tenter d’apaiser ses souffrances». C’est de là qu’est née l’idée de la thérapie par sons binauraux et qu’Olivia crée le Projet Boa, un défi basé sur l’art et la neurologie: «C’est un projet qui se base sur l’écoute musicale d’une fréquence différente dans chaque oreille. Malgré les diverses études controversées, j’ai poursuivi le développement de ce projet. J’ai créé un casque spécifique et les résultats sur Soltan ont été immédiats».
Par la suite la fribourgeoise d’adoption développe le principe COB (Cinétique Oculaire Boa), une technique visuelle basée sur le mouvement de l’œil sur ses œuvres spécifiques peintes de manière pixélisée et qui agit sur les ondes cérébrales. Puis dans l’enchaînement elle développe une ligne de vêtements sportwear «2B» comme Boudouma (son nom de jeune fille) et Belkacem (son nom de mariée). 2B signifiant aussi «être» en français. Une ligne avec, en impression, ses tableaux. Elle profite de cela pour créer son entreprise Boa Créations: «Jamais au moment de mon accident en 2011 et après la naissance de Soltan je n’aurais pensée aller aussi loin. Cela a décuplé mes forces et mon envie de donner un nouveau sens à ma vie. La boxe m’a appris à ne jamais baisser les bras. C’est une philosophie qui ne m’a jamais quitté» Jamais à court d’idées, la fribourgeoise d’adoption a même créé des gants de boxe: «Ce sont des gants avec une mousse particulière, qui protège les articulations du boxeur. Ils protègent aussi les sparring-partners lors des entraînements. Les coups sont toujours autant forts mais leur impact est absorbé et porte moins à conséquence. Ils sont déjà en vente, je suis en plein marketing». Soutenu par quelques entreprises comme le gérant orange qui vend une ligne de papeterie basée sur le principe de la cinétique oculaire, Olivia Boa court après le temps pour développer son entreprise.
Et la boxe dans tout cela? Olivia Boa-Belkacem ne l’a jamais oubliée. Enfouie au fond de sa mémoire et de son cœur, elle a réalisé en 2019 un retour incroyable: «Je n’ai jamais oublié ces années de sueur sur les rings. A l’époque je m’entrainais près de 12 heures par semaine. C’était une grande partie de ma vie. Avec la naissance de Soltan mes priorités ont changé. J’ai toujours continué à m’entrainer avec mon mari. Mais pour tourner proprement cette page, j’avais besoin de remonter sur le ring et de dire au revoir au public dans les règles de l’art». Une tournée qui va prendre un chemin différent que prévu. Gagnante de 2 combats disputés en 2019, elle reçoit une invitation pour être la challenger officielle pour le titre européen des welter (moins de 66kg): «Normalement je ne devais pas être convoquée car j’étais 12ème du classement mondial et il faut être dans les 10 premières pour avoir droit à ce privilège».
Finalement un remaniement du classement permet à Olivia Boa de revenir à la 9ème place et donc de pouvoir disputer, cette année, un dernier combat, titre continental en jeu! Elle devait affronter la genevoise Ornella Domini dans un combat 100% helvétique. Mais finalement elle aura, face à elle, une boxeuse belge, 4 fois championne du monde et invaincue en 18 combats: «Ce sera un combat intense et difficile mais je serai prête!» clame en confiance la boxeuse fribourgeoise.
Et comme pour mettre plus de sens à ce retour aux affaires, Olivia Boa-Belkacem aime citer le film de Clint Eastwood «Million Dollar Baby » en référence: «C’est certes un film dramatique mais il a permis à la boxe féminine de sortir de l’ombre en 2004. Clint Eastwood a fait passer plusieurs messages dans cette réalisation quatre fois oscarisées. Il n’y a peut-être pas de cause à effet mais en 2012, enfin, le CIO a intégré la boxe féminine dans ses compétitions. C’était le moment. Et pour la petite histoire, un ami photographe, Stef Stemutz, m’appelle Million Dollar Boa». (rires) Sur le chemin de la vie, ses pinceaux colorés en guise d’exutoire, Olivia Boa-Belkacem ne regarde que très rarement en arrière: «Juste pour me souvenir de mon parcours de vie, sans jamais m’attarder sur les moments difficiles, qui finalement ont fait jaillir que du positif». Reste à espérer que sur le ring son dernier combat se déroule selon ses vœux: «Au-delà du résultat, il serait merveilleux d’offrir des combats de qualité à toutes celles et ceux qui aiment la boxe. Pour pouvoir, enfin, tourner une des plus belles pages de mon histoire personnelle». conclu Olivia Boa.
Business woman: Boa Creations & Innovations SA www.projetboa.com Die Künstlerin: www.artworksboa.com
Laurent Bastardoz