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IA & spiritualité - Maître ou esclave de l’intelligence artificielle ?

2023-06-01        
   

Depuis novembre dernier et l’apparition de Chat-GPT, l’intelligence artificielle (IA) est devenu un sujet incontournable : l’homme a-t-il ouvert la boîte de Pandore et été trop loin ? Avec ce « chat-bot » (c’est-à-dire un robot qui dialogue avec l’utilisateur), un nouveau pas a été franchi : les utilisateurs ne parviennent pas à deviner s’ils dialoguent avec un humain ou un robot, tant ce dernier a été perfectionné, et entraîné. L’intelligence artificielle semble donc bien près de remplacer l’homme, comme elle le fait, progressivement, dans tous les domaines. Et ce progrès, qui déshumanise l’homme en le servant, en effraie plus d’un, tel Ivan Illich, qui écrivait que « la technique qui n’est plus en harmonie avec l’homme en devient une excroissance monstrueuse et finit par l’humilier, l’asservir et le défaire au lieu de lui être bénéfique. » ¹

Depuis longtemps, le progrès est associé à un enfermement pour l’homme. Rousseau l’écrivait déjà en 1755 : « Dans ce nouvel état, avec […] les instruments qu’ils avaient inventés […], les hommes jouissant d’un fort grand loisir l’employèrent à se procurer plusieurs sortes de commodités inconnues à leurs pères ; et ce fut là le premier joug qu’ils s’imposèrent sans y songer, et la première source de maux qu’ils préparèrent à leurs descendants ; car outre qu’ils continuèrent ainsi à s’amollir le corps et l’esprit, ces commodités ayant par habitude perdu presque tout leur agrément, et étant en même temps dégénérées en de vrais besoins, la privation en devint beaucoup plus cruelle que la possession n’en était douce, et l’on était malheureux de les perdre, sans être heureux de les posséder. » ²

Un autre problème est que, par le développement des machines, l’on contraint l’homme à s’adapter à sa création, la machine, au lieu de toujours l’adapter à lui. Nos téléphones portables nous obligent à être joignables en permanence, et sollicités sans cesse par de nouvelles notifications. Et, dans les usines, « tandis que les outils d’artisanat à toutes les phases du processus restent les serviteurs de la main, les machines exigent que le travailleur les serve et qu’il adapte le rythme naturel de son corps à leur mouvement mécanique ; […] pendant toute la durée du travail à la machine, le processus mécanique remplace le rythme du corps humain. » ³

Cette confiance dans le progrès, née des Lumières et développée durant le xixe siècle, a été mise à mal au milieu du siècle dernier, lorsqu’on a constaté la capacité de l’homme à s’auto-détruire (la bombe atomique) et courir en avant dans un tout-scientifique. Comme le constate le philosophe américain L. Ron Hubbard, « l’homme, en tant que création a été terrassé par ses propres créations, la foreuse, la machine à écrire, la super bombe et le char d’assaut. Déconcerté, il connaît l’indice d’octane de son essence, les calories qui vont dans son estomac et la longueur d’onde de Radio Rome, mais il ne connaît pas ses propres pensées, ses intentions, la source de ses peurs ou la raison pour laquelle la discipline est en déclin. Il peut faire exploser d’une bombe la moitié du monde et cependant, comme une main se fermant dans un dernier spasme à l’approche de la mort, les limites de son empire se recroquevillent. De l’intérieur de sa voiture couverte de chromes, il regarde la foule de ses semblables qui vont ne sachant où, ni pourquoi. […] L’homme est en piteux état. Il s’est inventé une voie sans issue. Plus les machines sont efficaces, plus son esprit et son comportement deviennent maladroits. C’est notre devoir d’égaler le progrès des sciences de la machine par un progrès comparable dans le domaine des sciences humaines. » ⁴

La confiance dans la science, le progrès, la technologie se double d’une perte de confiance en l’homme et en ses compétences (sans GPS, saurions-nous encore nous orienter dans une ville ?) et d’une nette déperdition du savoir : comme le montre n’importe quelle recherche un peu poussée, Internet regorge d’informations peu fiables et copiées, recopiées, digérées et remâchées d’un site à l’autre, d’une page à l’autre, et finalement loin de toute source ; comment faire confiance en la vérité de données qui sont autant de gouttes dans un océan sans pouvoir jamais remonter à la source ?

Sans compter que cette confiance dans la technologie nous aveugle et méprise nos compétences humaines. Le linguiste américain Noam Chomsky a écrit qu’Internet produit peu d’information fiable avec beaucoup de données, tandis que l’humain produit une information meilleure avec peu de données ; c’est peut-être excessif, mais cela révèle bien cet oubli des compétences de l’homme, qui se met à fonctionner comme un robot : « La machine a envahi l’humain et l’homme s’est fait machine, fonctionne et ne vit plus », écrivait déjà Gandhi au siècle dernier. De nos jours on loue la conduite assistée, et on rêve de voitures autonomes remplaçant nos automobiles. Or, lorsqu’une voiture arrive d’une voie secondaire à toute allure, c’est l’intention du conducteur de ne pas s’arrêter que je perçois. Une machine analyserait la vitesse, les paramètres, la transpiration et respiration mais n’aurait pas de perception.

L’homme est perception et émotion et intelligences multiples, et doit se servir de la machine dans céder à une « techno-idolâtrie ». Au-delà de ces compétences propres à l’homme que l’on doit revaloriser, et si l’homme était doté d’un outil hyper-perfectionné, d’une intelligence parfaite ? « Bon nombre d’entre nous ont étudié ce que serait l’ordinateur optimal, s’interrogeait L. Ron Hubbard en 1950. Si vous deviez en construire un, comment le concevriez-vous ? Premièrement, cet ordinateur devrait pouvoir résoudre avec une précision absolue tout problème de l’Univers et fournir de façon invariable des réponses justes. Deuxièmement, cet ordinateur devrait être rapide et fonctionner en bien moins de temps qu’il n’en faut pour énoncer oralement le problème et le traitement de celui-ci. Troisièmement, cet ordinateur devrait pouvoir traiter simultanément un grand nombre de variables et de problèmes. Quatrièmement, cet ordinateur devrait pouvoir évaluer les données qu’il possède et conserver non seulement un enregistrement de ses conclusions passées, mais aussi les analyses qui ont abouti à ces conclusions.

Cinquièmement, une banque mnémonique ⁵ de capacité quasi illimitée devrait assister cet ordinateur, laquelle permettrait de stocker les données tirées de l’observation et les conclusions provisoires susceptibles de servir à des calculs futurs ; de plus, la section analytique de l’ordinateur devrait pouvoir disposer des données de cette banque mnémonique en une fraction de seconde. Sixièmement, cet ordinateur ne nécessiterait pas un programmeur externe, mais bénéficierait d’une complète autodétermination quant à sa programmation, motivé uniquement par le degré d’urgence de la solution, que lui-même déterminerait. Huitièmement, cet ordinateur devrait se réparer lui-même et se protéger de tout dommage présent et futur qu’il devrait également pouvoir prévoir.

Neuvièmement, l’ordinateur devrait posséder des perceptions destinées à déterminer le degré d’urgence. Son équipement devrait lui permettre de contacter toutes les caractéristiques nécessaires du monde connu, c’est-à-dire les perceptions visuelles en couleurs, auditives et tonales, olfactives, tactiles et la perception de soi, car sans cette dernière, il ne pourrait assurer correctement son propre fonctionnement. Dixièmement, la banque mnémonique devrait stocker les perceptions reçues telles quelles, par ordre chronologique, avec le plus bref laps de temps possible entre chacune d’entre elles. Elles se stockeraient donc comme suit : perceptions visuelles en couleurs (animées), auditives et tonales (fluides), olfactives, tactiles et sensation de soi, toutes étant interconnectées. Onzièmement, pour parvenir à des solutions, il devrait pouvoir créer de nouvelles situations, imaginer de toutes nouvelles perceptions, concevoir celles-ci sous forme auditive et tonale, visuelle en couleurs, olfactive, tactile et de sensation de soi, et il devrait pouvoir classer tout cela sous la rubrique « souvenirs imaginés ».

Douzièmement, ses banques mnémoniques ne devraient pas se tarir à l’usage, mais fournir au centre de perception de l’ordinateur des reproductions toujours parfaites, exemples de déformation, de tout ce que ces banques contiennent sous forme de perceptions visuelles en couleurs, auditives et tonales, olfactives, tactiles et de sensations organiques. Treizièmement, la machine tout entière devrait être portable. […] Il peut paraître quelque peu surprenant, à première vue, d’envisager un tel ordinateur. Le fait est que cet appareil existe. […] En réalité vous en possédez un, car nous parlons ici du mental humain.

Ce qui précède décrit de façon générale le cerveau optimal. Le cerveau optimal, si ce n’est qu’il ne parvient pas toujours à résoudre tous les problèmes de l’univers, fonctionne fondamentalement ainsi. Il devrait pouvoir se souvenir des perceptions visuelles en couleurs (animées), auditives et tonales (fluides), olfactives, tactiles et organiques. Il devrait posséder une imagination visuelle en couleurs (animée), auditive et tonale (fluide), olfactive, tactile et organique, qu’il pourrait aussi réutiliser comme n’importe quel souvenir. Il devrait pouvoir distinguer, avec précision, la différence entre réalité et imagination. Il devrait encore pouvoir se rappeler toute perception, même la plus insignifiante, qu’il l’ait enregistrée durant le sommeil ou à l’état de veille, de la naissance à la mort. Tel serait le cerveau optimal. Il posséderait encore bien d’autres qualités. Il devrait penser avec une telle rapidité que la vitesse de ses calculs serait mille fois supérieure à tout raisonnement verbal. En fonction du point de vue et de l’éducation de son utilisateur, le mental aurait toujours raison et ses réponses ne seraient jamais fausses. C’est là votre cerveau potentiel. C’est celui que vous pouvez recouvrer, à moins que l’on vous ait retiré une partie du cerveau. S’il ne possède pas les capacités ci-dessus, c’est qu’il est légèrement déréglé. » ⁶ S’il était donc possible de recouvrer ce total potentiel… comment alors se servir de l’intelligence artificielle, non comme un remplacement, mais comme un complément ?

¹ Ivan Illich (1926-2002), prêtre et philosophe autrichien, penseur de la décroissance, cité par M. Dugain et C. Labbé dans l’essai L’homme nu, la dictature invisible du numérique, éditions Robert Laffont, 2016, p. 79. │ ² Jean-Jacques Rousseau, Discours sur l’Origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, 1755, éd. Garnier-Flammarion, 1971, p. 206-209. Dans cet essai, Rousseau imagine un état premier de l’homme et tente de comprendre comment la société s’est mise en place et comment les inégalités sont apparues.│ ³ Hannah Arendt, Condition de l’homme moderne, traduction de G. Fradier, éd. Calmann-Lévy, 1961, p. 165.│ ⁴ L. Ron Hubbard, « L’homme en lutte avec l’ère de la machine »│ ⁵ mnémonique : qui a un rapport avec la mémoire│ ⁶ L. Ron Hubbard, La Dianétique, évolution d’une science, 1950, édition de 2007, chapitre 1, pp. 3-6.